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Réfléchir sur les critères de choix implique la prise en compte d’une double postulation de la littérature de jeunesse selon C.Poslianec (2) qui se trouve être à la fois un outil édifiant, didactique entraînant une lecture fermée et une œuvre artistique entraînant une lecture ouverte, à laquelle correspond un traitement différent des instances littéraires.
Il serait, par ailleurs, erroné de penser que lire en cycle 1suppose simplement une lecture fermée (narration saturée, personnages emblématiques, écriture univoque, message explicite…) , que de très jeunes lecteurs ne peuvent avoir accès à l’implicite, au symbolique, au lacunaire, à l’équivoque. (3)
Il ne faut donc pas se contenter de séries réservées aux petits mais ne pas hésiter à choisir des albums plus complexes, des textes que Catherine Tauveron (4 ) nomme des textes résistants.
Elle définit deux types de textes résistants :
- des textes dits « réticents », c’est-à-dire des textes qui posent des problèmes de compréhension, des textes qui « enrayent les automatismes récurrents de l’intrigue », des textes qui jouent avec le lecteur en créant volontairement une énigme. Les textes résistants conduisent donc le plus souvent le lecteur à une compréhension erronée et c’est cela qu’il est intéressant d’expliciter en classe.
Bref, ces textes « jouent à cache- cache » en dissimulant volontairement des faits. Ces textes en disent moins que ce qu’ils pourraient ou devraient dire. Ils laissent volontairement subsister des trous afin que le lecteur cherche à les combler. Pour ce faire, celui-ci ne peut pas s’appuyer sur le contexte. C’est ce qui oblige à l’interaction lecteur-texte.
En classe, c’est l’enseignant qui fait ce travail de remplissage, rarement le lecteur.
Exemples de textes réticents :
ØPapa ! – Philippe Corentin
ØCœur de lion – nouvelles histoires pressées – Bernard Friot
Histoires qui adoptent :
ØMachin chouette – Philippe Corentin
ØAgathe
Un double point de vue
ØL’Afrique de Zygomar
Un point de vue polyphonique
ØUne histoire à quatre voix
Un point de vue ambigu d’un narrateur peu fiable
Un point de vue ironique
Une perturbation de l’ordre chronologique
Un enchâssement de récits
Deux parcours de personnages en parallèle
Le brouillage des repères anaphoriques (qui parle)
ØMangetout et maigrelet – Claude Boujon
Une logique non cartésienne
ØTous les albums de Claude Ponti
Des références et citations d’autres textes
Des perturbations des valeurs attendues
des textes dits « proliférants », c’est à dire des textes qui appellent des interprétations, des textes à lecture plurielle où l’on peut émettre plusieurs hypothèses interprétatives.
Il y adeux types d’interprétations possibles :
Interprétation --> compréhension de l’intrigue
C’est souvent le cas dans le lien texte/image
Ex : L’Afrique de Zygomar
Il y a une seule réponse qui est que les personnages ne sont pas allés en Afrique
Poussin Noir de Rascal
Interprétation --> compréhension de l’intention du texte
ou de sa portée symbolique.
Toujours avec l’album L’Afrique de Zygomar, on peut mener un débat interprétatif sur le personnage de Zygomar.
Sait-il qu’il n’est pas allé en Afrique ? Croit-il de bonne foi y être allé ? Ment-il de son plein gré en disant qu’il y est allé ?
Autre exemple : Moun de Rascal
Conclusion :
les textes résistants permettent un jeu avec les élèves, le maître devient alors le lanceur du jeu, il prévoit des situations problèmes en manipulant le texte afin que les élèves soient face à un obstacle qu’ils n’auraient pas vu seuls.
Cette situation problème peut être :
Donner ou non le titre de l’album, montrer toutes les images, montrer tout le texte, etc.…ainsi se pose la question du dispositif à mettre en place pour présenter le texte littéraire choisi.
(2) Christian Poslianec Vous avez dit « littérature » ?HACHETTE 2002 p.146
(3) Autour d’un œuvre : RascalCRDP Aquitainep.80
(4) Catherine Tauveron